vendredi 17 février 2023

Chez le dentiste


 


Dessin de Quino, éditions Glénat, 2008

J'aime cette atmosphère ouatée chez le dentiste. La secrétaire/assistante a une combinaison blanche de cosmonaute, contre le covid. Elle est en train d'appeler les clients pour un détrartrage à faire tous les 6 mois, entièrement remboursé par la sécurité sociale. Super polie, le sourire dans la voix, ça fait longtemps, comment allez-vous, à bientôt, monsieur Untel, mais oui madame Unetelle, etc. Je remarque qu'elle se présente par son prénom, assistante du Docteur R. Les assistantes n'ont qu'un prénom. Moi-même, cliente depuis des années, je ne connais pas son nom.
À un moment, alors qu'elle parle à un client au téléphone, elle me regarde et forme cette question avec les lèvres, sans aucun son : "ça va ?". Je lui montre la salle d'attente, elle fait "oui" de la tête.
La salle d'attente n'a pas de porte, sorte de parenthèse en retrait, mais à peine, vous attendez mais on ne vous oublie pas, vous pouvez tout voir, tout entendre et nous aussi on vous voit. Sur le mur du couloir, on peut regarder une vidéo pédagogique silencieuse répertoriant toutes les catastrophes dentaires imaginables.
Je remarque une inscription en relief sur le mur : le code WIFI du cabinet dentaire. Le dentiste passe et repasse d'un pas calme, masque sur le visage, gants bleus en caoutchouc, au plus près des doigts. Je l'entends parler dans la salle d'à côté, avec une autre patiente.
Le dentiste adore parler, mais plutôt dans l'intéraction, rebondissant sur tout bon mot ou plaisanterie potentiels, très posé, attentionné, un brin docte aussi, mais avec une auto-dérision qui le rend vraiment sympathique et professionnel. Il explique clairement et précisément le moindre de ses gestes. J'ai dû lui dire un jour que j'appréciais ses explications, alors depuis il met le turbo. J'ai apporté ma radio panoramique dentaire et je demande quelle est la nature d'un élément blanc dans la gencive. Il semble dire que ce n'est pas grave. J'insiste un peu car il ne dit pas ce que c'est. Je demande alors à comparer avec d'autres radios des années précédentes pour savoir si ça a grossi. Il a dû trouver fort de café que ce soit moi qui prenne la direction de la discussion sur mes propres dents, alors il essaie de rectifier un peu le tir en reprenant mes mots, et en y intégrant un terme un peu plus scientifique : "pour voir si ça a évolué". Eh bien non, même OBNI (objet blanc non identifié) il y a 8 ans (déjà !).
Toutes ces radios accumulées au fil des ans, ces discussions plus ou moins techniques pour essayer de trouver une parade à cette épée de Damoclès qui s'approche toujours un peu plus près de nous, comme la roulette à ultra sons qui enlève le tartre.
Pourtant, dans cet univers dentaire, on se sent en sécurité : le tandem du docteur et de son assistante ne change pas, ils se parlent d'un hochement de tête ou à mots feutrés, le volume de la radio est toujours très bas dans la salle d'attente, la température ambiante toujours autour de 22°C. C'est un univers qui vous accueille toujours de la même manière, toujours avec un très grand respect pour votre bien-être, une grande qualité d'écoute : c'est bien simple, j'ai toujours eu l'impression que ce cabinet dentaire avait été téléporté du Japon, pays de l'Omoiyari.


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