Mort de Jack Kevorkian
Article de Paris-Match
Jack Kevorkian: le "Dr Mort" s'est éteint
Pendant plus de 40 ans, Jack Kevorkian s’est battu pour légaliser la pratique de l’euthanasie. Il est mort hier, à l’âge de 83 ans. Malgré une condamnation pour meurtre, ce sujet était devenu le combat de sa vie.
Kahina Sekkai - Parismatch.com
«Mourir n’est pas un crime». C’est la devise que tenait à répéter Jack Kevorkian, médecin américain d’origine arménienne. Cet homme, qui s’est battu toute sa vie pour le droit à une mort digne, est décédé hier matin des suites de complications d’une pneumonie et de défaillance rénale. Il avait 83 ans. Né à Pontiac (Michigan) en 1928, Jack Kevorkian achève ses études de médecine en 1952. C’est pendant cette période qu’il commence à réfléchir sur la question de l’euthanasie, comme il l’explique dans son livre de 1993 «Prescription Medicine, The Goodness of Planned Death» («Les bienfaits de la mort planifiée»): «L’euthanasie ne présentait pas grand intérêt pour moi jusqu’à mes années d’internat, quand j’ai vu à quel point le cancer pouvait ravager un corps. Le patient était une femme complètement immobile, d’âge moyen, dont le corps souffrait de jaunisse pour devenir presque marron, sa peau aussi fine que du papier et son abdomen empli de fluide, qui le faisait gonfler jusqu’à quatre ou cinq fois la taille normale.»
Tout au long de sa carrière, la question de la mort a été un sujet principal. En 1956, il acquiert son surnom de «Dr Death» pour son habitude de photographier les yeux des cadavres pour déterminer l’heure exacte de leur décès. Un de ses combats a été de pouvoir utiliser les corps des détenus décédés pour des expériences médicales. Au début des années 1990, il a donc fabriqué ce qui a été appelé la «death machine». Cette «machine de la mort» permettait à un patient de mettre fin à ses jours sans souffrir. Pour un coût de fabrication de 30 dollars seulement, l’appareillage diffusait, sur une première impulsion du patient, une dose assez élevée de barbiturique pour l’endormir. Puis, une minute plus tard, un chronomètre déclenchait automatiquement l’injection de chlorure de potassium, qui provoquait un arrêt cardiaque. Jack Kevorkian a déclaré que cette invention avait permis à au moins 130 patients de mettre fin à leurs souffrances.
Bien sûr, l’homme avait de nombreux détracteurs. Parmi eux, certains avancent des chiffres qui laisseraient à penser que le bien-être du patient n’était pas l’objectif premier. Dans 19 cas, aucun examen psychologique n’avait été pratiqué. Au moins 19 patients seraient décédés moins de 24 heures après avoir rencontré le Dr Kevorkian. Mais, plus grave encore, trois personnes qui avaient été assistées dans leur mort n’auraient présenté aucune trace anatomique de maladie. L’entourage du praticien a toujours réfuté ces chiffres.
Inculpé pour meurtre
Cependant, en 1998, tout bascule pour le praticien. Thomas Youk, 52 ans, en phase terminale de sclérose latérale amyotrophique (aussi connue sous le nom de maladie de Charcot), demande l’aide de Jack Kevorkian pour mourir. Son mal provoque de graves troubles moteurs centraux, mais aussi des crampes et la fonte de ses muscles. Incapable de s’injecter lui-même le produit, le Dr Kevorkian y procède pour la première et dernière fois de sa carrière. Dans le but de la diffusion d’un reportage dans l’émission «60 minutes», le médecin filme la procédure. Ce geste lui vaudra un procès pour homicide et administration d’une substance interdite, en raison de la suspension de son droit d’exercer huit ans auparavant. Lors de sa condamnation, le juge prononce ces mots: «Vous avez eu l’audace d’aller sur une télévision nationale, montrer au monde ce que vous faisiez et défier le système légal de vous arrêter. Bien, monsieur, considérez-vous arrêté.» Il est condamné à une peine d’emprisonnement de 10 à 25 ans, mais est libéré sur parole huit ans plus tard, en 2007, en ayant promis de ne plus aider quiconque à se suicider.
Un combat de longue haleine
L’homme n’a jamais cessé de se battre pour la légalisation de l’euthanasie, malgré son séjour en prison. Il a donné de nombreuses conférences à travers les Etats-Unis dans l’espoir de faire changer les mentalités et les législations. A chaque fois que le mot «meurtre» lui était attribué, Kevorkian rétorquait: «Dans le but d’aider le patient, je ne provoquais pas sa mort. Mon but était de mettre fin à la souffrance. Cela doit être dépénalisé.» L’ancien praticien était même allé jusqu’à se présenter aux élections législatives dans l’état du Michigan. Cependant, présenté comme indépendant, il ne recueillit que 2,6% des votes.
En 2010, un documentaire lui avait été consacré. Simplement nommé «Kevorkian», le film avait pour sous-titre: «Il y a plus que la mort dans la vie». La même année, un téléfilm inspiré de sa vie était diffusé sur HBO. Pour sa prestation dans «You Don’t Know Jack», Al Pacino a même reçu un Emmy et un Golden Globe du Meilleur acteur. A l’heure actuelle, seuls trois Etats américains autorisent le suicide assisté: l’Oregon, Washington et le Montana. En raison du combat âprement livré par Kevorkian, le Michigan, son Etat natal, est le seul à nommément bannir cette pratique.
Libellés : alternance, article, articulateurs, débattre, euthanasie
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